Les années 2030 voient l’avènement d’une société française plus profondément transformée qu’il n’y paraît. La personnalisation des expériences, la montée en puissance des communautés et la recherche de justice sociale se sont inscrites au cœur de l’innovation publique.
C’est dans ce contexte particulier qu’émerge la loi relative à la plurialgorithmie publique, portée par un État plus empathique que stratège. La plurialgorithmie est un virage radical : pour une même action ou décision publique, il n’y a plus un seul et unique algorithme pour tous, mais une multitude d’algorithmes adaptés aux différents publics qui peuvent être ici concernés ou impactés.
Chacune et chacun peut choisir son régime algorithmique, selon sa communauté, son profil, voire les discriminations dont elle ou il estime subir.
Chaque algorithme se comporte différemment selon le profil de l’utilisateur et adapte son mode de calcul selon des logiques de genre, ethnie, orientation sexuelle, statut de citoyenneté ou encore handicap.
Si les modes de calcul et de décision sont différents d’un individu à l’autre, les services publics restent cependant accessibles à toutes et tous.
L’enjeu est alors de « bien » choisir son système : un algorithme public est présenté dans toutes ses variations, pour que l’usager puisse choisir la formule la plus adaptée à son cas personnel. Par effet miroir, l’algorithme – devenu pluriel – rend visible la nécessaire adaptation ou déconstruction de certains dispositifs publics face aux difficultés intrinsèques des communautés qui y ont recours.
Il est d’ailleurs à noter que de nombreux algorithmes sont co-construits avec des membres de la communauté qu’il va servir en premier lieu. Ils sont ensuite améliorés en continu via les données d’utilisation, de profil-utilisateur et de contexte d’usage que la communauté accepte de fournir.
Les questions liées à l’opportunité de la mise en place d’un algorithme ont elles aussi profondément évolué : on ne se demande plus quand mettre en place un algorithme pour un service public, mais quand développer cent algorithmes différents pour une même action publique. Il va sans dire que des moyens conséquents ont été mis en place pour répondre à ce défi.
Sans surprise, le tournant de la plurialgorithmie n’est pas sans susciter la controverse : ses détracteurs y voient la fin de l’équité et de l’universalisme propre
à la France. Selon ces mêmes critiques, la rupture est actée avec le dogme républicain de l’indivisibilité de la nation.
En réponse, les défenseurs de la plurialgorithmie font valoir que cet universalisme décliné au plan algorithmique est un vecteur d’oppression et de discrimination, car par nature aligné sur les intérêts de classes dominantes.
Au fil des années, cette géométrie variable infuse peu à peu, jusqu’à être réclamée par les services des administrations eux-mêmes.
En effet, ces derniers ne supportent plus d’avoir à utiliser des algorithmes « monolithiques » en interne, qui font fi des disparités entre territoires.